Tuesday, April 17, 2012

Zioconned Saudi/Wahhabi dynasty is dying fast....


LES SÉOUD,UNE DYNASTIE VIEILLISSANTE AU PIED DU MUR....



Originaire d'une région où la survie physique et politique requiert l'établissement de relations dans et hors le cadre local, et née d'une alliance à l'avenir improbable entre le chef d'une obscure tribu, Mohammed ibn Saoud, et un réformateur hanbalite intolérant, Mohammed ibn Abdel-Wahhab, la dynastie des Saoud a une conscience claire de la faiblesse de sa légitimité. N'ayant à faire valoir ni origine ancienne, ni passé glorieux, et encore moins une ascendance prophétique, elle sait que son atout majeur réside dans une gestion sage des Lieux Saints musulmans de la Mecque et de Médine. Des énormes réserves d'hydrocarbures, protégées des appétits extérieurs par une alliance avec les États-Unis, lui fournissent les moyens de sa grande ambition : dominer le monde musulman.

L'Arabie des Saoud n'est cependant pas un État modèle. Pour s'épargner les critiques, les Saoud mettent en avant leur "spécificité" islamique et entretiennent l'ignorance autour de "leurs affaires", c'est-à-dire en gros de tout ce qui touche à la vie intérieure du pays, des revenus du pétrole à la gestion quotidienne du Royaume. Ce qui en filtre permet cependant de constater qu'il y a loin des principes aux actes et de comprendre où s'enracinent le malaise des "modernistes" et la contestation des opposants islamistes.

Politiques, économiques et sociales, les réformes sont aujourd'hui urgentes. La dynastie des Saoud en est consciente. Elle connaît les solutions et elle en a les moyens. Il n'est pas sûr qu'elle en ait la volonté et le courage. Le passage du Royaume à la modernité suppose en effet l'établissement d'un nouveau pacte avec les religieux ou la rupture avec cette allié traditionnel. Il requiert un certain partage du pouvoir avec des élites extérieures à la famille royale. Il impose enfin une nouvelle répartition de la richesse nationale et donc une auto-limitation, par les Princes, de leurs privilèges et de leurs comportement parasitaires.

LES TROIS PILIERS DU SYSTÈME

L'islam

Leur autorité politique sur les centres géographiques et spirituels de l'islam une fois admise par l'ensemble de la Oumma, les Saoud se sont employés, à coups d'agrandissements, d'embellissements et d'amélioration continuelle des conditions d'accueil, à fonder sur l'exemplarité de leur gestion des Deux Saintes Mosquées leur prétention à se poser en guides et responsables de l'Islam mondial. Pour contrebalancer l'activisme arabe et tiers-mondiste de Gamal Abdel-Naser, il leur a paru nécessaire de créer des instruments à leur dévotion qui leur permettent de contrôler et orienter les communautés musulmanes dans une ligne conforme à leur intérêt (Ligue Islamique Mondiale), et de neutraliser ou vassaliser les pays musulmans (Organisation de la Conférence Islamique).

L'argent du pétrole

Dans ce contexte, la découverte du pétrole a fait figure de "don de Dieu". Présentés comme la confirmation divine de leur légitimité à diriger non seulement les "territoires de la Révélation", mais le "Dar al-Islam" (les territoires de l'Islam) dans son ensemble, la montée en puissance de la production, au cours des années 1950, et le brusque enchérissement du prix des hydrocarbures, en 1973, leur ont apporté les moyens matériels de leur ambition politico-religieuse. Ils ont de fait rendu possibles, pour la plus grande gloire de Dieu et le prestige de la dynastie, l'accélération des travaux dans les Lieux Saints et le développement de structures de propagande islamique actives. Ils leur ont également permis de financer ici et là, sans beaucoup de discernement, des groupes et mouvements hâtivement proclamés "combattants du jihad", servant au fond beaucoup plus la défense et la promotion des intérêts géostratégiques des Saoud que la diffusion de "la vraie religion".

La protection américaine

Instruits par l'expérience malheureuse de leurs ancêtres et convaincus que, pour durer dans la région, une dynastie ne peut faire l'économie d'une alliance avec une grande puissance, les Saoud ont choisi, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de confier aux Américains l'avenir de leur pays et leur propre destinée. Le contrat a pris toute son importance avec le rôle essentiel bientôt dévolu au pétrole dans le développement de l'économie mondiale. Avec l'affirmation de puissances régionales et la montée des périls dans la zone du Golfe, au cours des 20 dernières années, la conjonction d'intérêts entre l'Arabie Saoudite et les États-Unis a montré qu'elle fonctionnait bien et qu'elle était destinée à durer pour le plus grand profit des deux partenaires.

TROIS TRAITS DISTINCTIFS

La surenchère islamique

Sans jamais avoir osé en revendiquer le titre, les Saoud souhaitent implicitement être reconnus et se comportent parfois explicitement en Califes, c'est-à-dire à la fois en successeurs du Prophète et en chefs de la communauté musulmane toute entière. C'est pourquoi ils ne peuvent supporter l'idée d'être dépassés par "plus islamiques qu'eux". Cette obsession les conduit à souligner à tout propos que le Royaume est le seul État à être intégralement régi selon les principes de la Chari'a : le Coran y tient lieu de Constitution, la Justice y applique les peines prescrites par le Livre Saint, les Droits de Dieu y priment les Droits de l'Homme...

Si ce rappel incantatoire suffit à satisfaire l'appareil religieux, dont la caution demeure indispensable aux Saoud, il ne peut empêcher les opposants d'en contester la réalité. Pour faire taire leurs critiques, qui portent sur l'injustice dans la répartition de la richesse nationale, les dépenses à la rationalité douteuse, la proximité et la dépendance à l'égard de l'Occident ou sur leur style de vie peu en rapport avec les principes dont ils se réclament, les Souverains orchestrent un tapage permanent autour des actions d'islamisation (construction de mosquées, édition du Coran dans toutes les langues du monde, soutien aux minorités musulmanes, appui aux moudjahidin, etc.) que le Royaume finance sur tous les continents, et incitent ceux qui désirent laisser libre cours à leur zèle religieux à y prendre une part active, sous une forme ou une autre.

Pour la même raison, le pouvoir saoudien fait montre de vigilance à l'endroit des régimes ou des États qui paraissent vouloir le concurrencer, mus par une volonté de domination semblable à la sienne, sur l'ensemble du monde musulman. L'activisme du Soudan lui paraît peu dangereux, compte tenu de l'absence de moyens de ce pays. Les entreprises de Mouammar Qaddafi provoquent chez lui un mélange d'exaspération et de moquerie. Les initiatives de leur client Nedjmeddine Erbakan ne l'inquiètent pas outre mesure, en raison du poids de l'armée dans l'équilibre des forces à Ankara. En revanche, il surveille avec attention les menées de l'Iran dans son environnement immédiat (les pays du Golfe), son prosélytisme chi'ite dans les pays d'islam sunnite d'Afrique et d'Asie, et l'affirmation de sa présence ailleurs dans le monde.

Un système dominé par l'argent

Conscients de leur fragilité et des dangers qui les guettent à l'intérieur et à l'extérieur du Royaume, les Saoud se maintiennent au pouvoir grâce à une politique faite de marchandages et de concessions, dans laquelle les revenus du pétrole jouent un rôle primordial. Ces procédés prévalent d'abord au sein de la famille royale, lors des tractations qui accompagnent la désignation de celui qui accédera au trône. Dans cette opération, le "Conseil de famille" agit comme l'arbitre des intérêts de l'ensemble des ayant-droits. L'enjeu n'est pas de désigner, en respectant globalement l'ordre de primogéniture, le meilleur ou le plus capable, comme on l'a vu avec Saoud et Khaled. Mais il s'agit, en organisant l'alternance des clans à la tête du Royaume, d'empêcher la confiscation des ressources par un unique rameau des Al Saoud et. de mettre en place le dispositif de répartition de la rente et des retombées des grands contrats.

Marqués par leurs origines bédouines, les Saoud sont enclins, face aux questions délicates d'évolution politique, de changement économique, de relations extérieures ou de choix de société, aux demi-mesures et aux manœuvres de contournement. Ils n'agissent que lorsqu'il n'y a plus d'atermoiement possible, après avoir longtemps débattu cette interrogation : comment satisfaire les uns sans irriter les autres, tout en ne cédant rien de nos prérogatives ? Distribué sous forme de primes et de prébendes, pour les religieux, de contrats et d'intéressement aux affaires, pour les grandes familles, de facilités bancaires et de dons occasionnels, pour les autres, l'argent s'est toujours révélé le plus sûr moyen de réduire au silence les mécontents. C'est pourquoi le pouvoir se montre aujourd'hui désarmé face à des irréductibles comme les Cheikhs Sifr al-Hawali et Salman al-'Awdah, instigateurs de l'opposition religieuse dans la province du Qassim, sur lesquels ses séductions demeurent sans prise et qu'il est donc contraint de maintenir en prison.

À l'extérieur du Royaume, les Saoud ont recours au même procédé. L'envoi de prédicateurs de la Ligue Islamique Mondiale (une Institution qu'ils ont créée et qu'ils financent presque intégralement) dans tous les coins du monde vise officiellement à contribuer à l'extension de l'islam. Mais les moyens matériels et financiers dont ces missionnaires sont largement pourvus incitent à se demander s'ils n'ont pas pour vocation, et peut-être pour premier objectif, d'acquérir les faveurs ou la neutralité des pays démunis vers lesquels ils sont envoyés, face aux agissements iraniens et à la concurrence de l'expansionnisme chi'ite. De la même manière, la "charité" saoudienne à l'égard des "populations musulmanes minoritaires ou opprimées", en Palestine, en Afghanistan, en Somalie et en Bosnie naguère, en Tchétchénie aujourd'hui, peut difficilement passer pour désintéressée.

Quoi qu'il en soit des affirmations officielles, ce n'est pas l'Islam mais l'argent qui est au cœur du système saoudien. Certes, les commerces sont fermés durant les prières ; mais, derrière les portes closes, les banques (qui ne sont pas "islamiques" dans le Royaume) et la Bourse (dont le Roi a arraché la création à ses Oulémas) continuent de fonctionner. La population, que l'on évite de pressurer par des taxes et des impôts, sous prétexte que le Coran ne parle que de zakat (aumône légale dont le montant, modeste au demeurant, est fixé chaque année), est continuellement invitée à consommer. A défaut d'autres plaisirs (il n'y a pas de cinéma, pas de théâtre, et pas d'autres lieux de loisirs que les stades de foot dans l'Arabie des Saoud), elle occupe ses soirées et ses jours de congés à jouir de son pouvoir d'achat dans les galeries marchandes et les supermarchés dont toute ville est aujourd'hui largement pourvue. La forte remontée du prix du pétrole, au cours de l'année écoulée, est venue rassurer un pouvoir gravement préoccupé par l'état de ses finances : en 1997, l'État aura de nouveau les moyens d'acheter la paix sociale.

Le culte du secret au service d'un État de non droit

Lorsque la séduction par l'argent, les postes et les honneurs échoue et que la sécurité du pays et la leur paraît le nécessiter, les Saoud ne reculent devant aucun moyen de coercition. La violence des attentats de Riyad et de Khobar n'étonne que ceux qui ignorent que toutes les formes de protestation, de revendication ou même la simple expression de critiques et de divergences, sont interdites et sévèrement réprimées dans le Royaume.

Fermement tenue en main, la presse offre de l'Arabie des Saoud l'image lisse d'un pays modèle, sans scandale, sans crime, sans même de faits divers. Sauf le samedi, où des articles stéréotypés, décalqués des communiqués du Ministère de l'Intérieur, signalent l'exécution d'assassins, de convoyeurs de drogue ou de "déviants"... dont nul n'avait jusqu'alors entendu signaler les méfaits, la capture et la mise en jugement. Comme la police, la justice saoudienne agit en effet dans le plus grand secret. Dans les interviews qu'il accorde à intervalles réguliers, le Président de la Cour Suprême, un religieux, s'attache toujours à démontrer que les citoyens n'ont pas de raison de s'inquiéter puisque tous les juges sont des Oulémas, et qu'en rendant la justice conformément à la Chari'a, ils ont conscience d'accomplir un devoir sacré. Il n'empêche...

Tout un chacun en Arabie Saoudite serait plus rassuré s'il savait ses proches automatiquement prévenus de son arrestation et avait la certitude de pouvoir disposer d'un avocat, au cours d'un procès public. A ces revendications, les autorités répliquent en mettant en avant la "spécificité islamique" du Royaume, un argument qui leur permet de justifier leur refus constant d'adhérer à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. C'est bien d'un prétexte qu'il s'agit : plus que les préceptes divins, ce sont les ordres et les desiderata du Palais que la Justice saoudienne paraît soucieuse de suivre (pour elle-même) et d'appliquer (aux autres). Le culte du secret permet aussi de dissimuler le fait que, hormis des cas se comptant sur les doigts d'une main, aucune sanction n'est jamais infligée à un Prince ou à un membre d'une grande famille. Quand aux organisateurs de trafics de stupéfiants, doit-on déduire de l'absence de condamnation qu'il n'y en a pas d'avantage dans le Royaume que de consommateurs ?

TROIS DÉFIS MAJEURS

Le renouvellement du pouvoir

Conscient des risques induits par une inexorable évolution du régime vers une gérontocratie héréditaire, le Roi Fahd a ouvert la porte, dans la Loi Fondamentale promulguée en 1992, au transfert du pouvoir à un Prince de la deuxième génération. Mais pour que le trône échoit aujourd'hui à un petit-fils d'Abdel-Aziz, il serait nécessaire que se retirent de la compétition, avec les dédommagements matériels y afférents, pas moins de 24 postulants légitimes dont les âges s'échelonnent de 74 ans (Abdallah) à 54 ans (Miqrin). De toute évidence, ce n'est pas dans cette direction que paraît se diriger le "Conseil de famille", au sein duquel les Grands Princes pèsent d'un poids particulier.

La question est en effet ardue : entre les quelques centaines de petits-enfants mâles descendant d'Abdel-Aziz, comment distinguer celui qui saura tout à la fois diriger le pays, présider aux réformes politiques et économiques, préserver ses alliances et son intégrité territoriale, ... tout en garantissant à ses milliers d'oncles, cousins et neveux, la part des revenus de l'État à laquelle chacun estime avoir droit ? Encore une fois, redoutent les observateurs, les capacités de manœuvre seront préférées aux véritables compétences, laissant peu de chance à l'intronisation d'un Roi digne de ce nom.

Dans l'opinion publique, seuls quelques noms font sur eux l'unanimité. On ne sera pas étonné de retrouver dans cette liste les descendants de Faysal, dont les hautes qualités politiques, morales et religieuses, servent encore à brosser l'image du roi idéal dont la population, toutes catégories confondues, serait prête à s'accommoder.

La remise en ordre de l'économie

L'embellie présente et peut-être momentanée du prix du pétrole ne change pas fondamentalement les données du problème actuel de l'Arabie Saoudite : comment faire, en s'appuyant sur une source de revenus quasi unique dont le prix est soumis à toutes sortes d'aléas, pour assurer le développement d'un pays dont la population croît au rythme de 3,8% par an, alors que grimpent encore plus vite le nombre et l'appétit de ceux qui prélèvent au passage une part de la manne ?

Les réponses sont connues : appel aux capitaux privés saoudiens, ouverture du pays aux investisseurs étrangers, privatisation des entreprises publiques, développement des industries dans les secteurs hors hydrocarbures, amélioration des performances de l'agriculture, intensifications des échanges avec les pays voisins, diminution de la main d'oeuvre étrangère au profit de la main d'oeuvre autochtone, réévaluation du prix des services, création d'un impôt sur le revenu, etc. Vaste programme !

Le pouvoir a conscience de l'urgence de ces réformes et de leur caractère inéluctable. Certaines mesures sont déjà inscrites dans le budget annuel et dans le 6ème plan en cours (1996-2000) Mais seront-elles appliquées sans faiblesse ? Si l'on se fie à l'attitude frileuse observée jusqu'ici par les autorités (refus de mettre en oeuvre les hausses de prix préconisées par le F.M.I. pour ne pas irriter les consommateurs, application timorée des nouveaux règlements sur l'importation de la main d'oeuvre pour ne pas retirer à nombre de Princes une source d'appréciables revenus complémentaires, hésitation devant une privatisation qui suppose une recapitalisation des entreprises et un changement d'attitude de la famille royale à l'égard des Services Publics; incapacité à réaliser le "marché commun" du Conseil de Coopération du Golfe, etc.), il n'y a pas lieu d'être optimistes.

L'ouverture politique

Faute de voir leurs aspirations économiques satisfaites et las de lutter à armes inégales contre des Princes affairistes, les grandes familles marchandes du Royaume exprimeront leur déception à voix de plus en plus haute et réclameront plus clairement, au nom de leur apport au développement du pays, d'avoir part à la prise de décision. Elles ne se satisferont plus de quelques sièges alibi au Majlis al-Choura ou aux Conseils de Gouvernorats et de portefeuilles au sein d'un Gouvernement dépourvu de tout pouvoir réel. Elles revendiqueront, comme c'est le cas dans d'autres pays tout aussi musulmans, la possibilité d'exprimer leurs idées dans des média leur appartenant et, au moins, de vivre à leur guise dans leur sphère privée. Les retards de payement et la non-résolution de la crise économique, qui s'ajoutent aux pressions constantes des religieux et au caractère pesant de la vie quotidienne, accéléreront la fuite des capitaux et leur repli sur les places boursières à l'étranger.

Victimes à des degrés divers de l'aggravation de la situation économique, les classes moyennes et défavorisées, commerçants et agriculteurs, fonctionnaires et ouvriers, feront leurs les revendications des religieux. A défaut d'autres tribunes, elles joindront leurs voix à celles qui, sous le slogan de "mise en oeuvre effective et généralisée de la Chari'a", réclament une véritable redistribution de la richesse nationale, une justice égale pour tous, un engagement plus marqué en faveur des causes arabes et islamiques, et une prise de distance à l'égard de "protecteurs" étrangers qui facturent à des prix prohibitifs pour l'économie du pays des services à l'utilité douteuse.

Si les Saoud souhaitent maintenir autour d'eux la cohésion nationale, ils seraient bien inspirés d'évaluer l'intérêt de l'actuel Majlis al-Choura et d'autoriser la mise en place d'instances par où puissent s'exprimer les différences, les aspirations et les critiques, et qui permettent la mobilisation des énergies et la participation aux décisions. On ne peut en effet écarter l'idée selon laquelle les formes de solidarité anciennes, au premier rang desquelles l'appartenance tribale, pourraient bientôt avoir devant elles un nouvel avenir. Pour ceux qui souffrent de l'absence des droits les plus élémentaires d'expression et d'organisation et qui ne supportent plus d'être tenus à l'écart des retombées de la rente, la tribu pourrait faire figure en Arabie Saoudite, comme dans d'autres pays arabes, de recours contre l'État.

Avec un pouvoir vieillissant qui conjugue absence et répression, avec une économie en quête de restructuration et avec une crise sociale en voie d'aggravation, l'Arabie Saoudite, par ailleurs située au cœur d'une zone de tensions, offre aujourd'hui en dépit de ses potentialités une image peu engageante. Malgré les ressources dont elle dispose, la dynastie des Saoud est à présent au pied du mur : les choix qu'elle a si longtemps différés doivent maintenant être effectués pour assurer un passage sans heurt du pays vers la modernité.

Les mesures adoptées sous la pression des événements, au cours des derniers mois, ne suffisent pas. Débloquer les arriérés dus aux entreprises et aux agriculteurs ne dispense pas d'une refonte en profondeur du système économique. Arrêter à titre préventif quelques dizaines de terroristes potentiels parmi les chi'ites et d'agitateurs religieux parmi les moutawwas ne constitue pas une politique sociale. Entretenir avec ses voisins des relations faites de domination et de vassalisation ne contribue pas à garantir la sécurité régionale.

Si les réformes sont urgentes, la situation n'est cependant pas dramatique à court terme. L'abondance du pétrole continue de garantir au Royaume des rentrées plus que suffisantes si elles sont habilement gérées. Si les aspirations au changement sont fortes, la contestation n'est encore le fait que d'une minorité dont les capacités de mobilisation, face à l'appareil militaire et policier, restent modestes. Les dangers régionaux ne sont pas à négliger, mais la détermination américaine et internationale à garantir la stabilité de la zone ne doit pas l'être davantage.

C'est parce que les ressources de l'Arabie Saoudite sont vitales pour l'économie mondiale que, à long terme, toute dégradation des choses doit être prévenue. La famille des Saoud monopolisant la totalité du pouvoir et la majorité des ressources, toute évolution des choses est condamnée à passer par une prise de conscience de sa part, qui semble en bonne voie, mais aussi par une prise de décision, sur laquelle elle hésite encore tant elle implique en son sein de changement d'attitudes, de renouvellement de personnel et de renoncements. Comme partout ailleurs toutefois, et quel que soit le nom qu'on lui donne, la meilleure parade aux évolutions violentes demeure l'avancée, même lente et prudente, dans la voie de la démocratie. Ce n'est pas se comporter de manière inamicale à son endroit que de le lui rappeler avec obstination....

Ignace Leverrier